Evènement : l’impact du changement climatique sur la forêt de la Sainte-Baume

La forêt de la Sainte-Baume, et plus particulièrement la hêtraie qui s’y trouve, est un écosystème unique et exceptionnel dans la région méditerranéenne. Avec ses arbres remarquables et sa biodiversité riche, cette forêt est aujourd’hui un témoin précieux des effets du changement climatique. Dans cet article, nous résumons les échanges des différents intervenants qui ont animé la “Balade climatique” du mardi 25 juin organisée dans la forêt de la Sainte-Baume par les associations Découvertes Sainte-Baume et Conséquences.  

25 personnes en tout, experts (Xavier Morin, Michel Vennetier, Guy Farnarier, Richard d’Angio, Christian Vacquié), chercheurs, randonneurs, ou simple passionnés on pu marcher et échanger pendant une matinée autour de l’évolution de la hêtraie relique de la Sainte Baume. 

 

Une forêt sous stress climatique 

Tous les intervenants sont d’accord pour indiquer que la hêtraie de la Sainte-Baume présente des signes visibles de stress dû au changement climatique. Pour Guy Farnarier, de Découvertes Sainte-Baume “Le hêtre est un peu un arbre témoin car sa présence dans la région est exceptionnelle et dû à la présence d’un microclimat, lui-même dû à la barre rocheuse.”  Les branches mortes, les feuilles plus petites et en moindre quantité, et la diminution de la surface foliaire sont autant de symptômes de l’impact climatique sur les arbres. Pour Michel Vennetier, ingénieur forestier et docteur en écologie “La canopée s’éclaircit, faisant entrer la chaleur et la lumière à l’intérieur des sous-bois, ce qui perturbe tout l’écosystème.” 

Importance culturelle et historique

La forêt de la Sainte-Baume a une importance culturelle et historique significative, considérée comme sacrée depuis l’Antiquité. Ce statut a contribué à sa préservation exceptionnelle. C’est ce que précise Muriel Papera de l’association Mémoire d’elles “La forêt, témoin de cultes dédiés à Artémis et plus tard à Marie-Madeleine, reste un symbole de conservation et de résilience.”

Impact sur la croissance et la reproduction de arbres

Les arbres de la hêtraie montrent une croissance réduite en raison des conditions sèches de plus en plus fréquentes et intenses. Pour Xavier Morin du CNRS “À l’échelle du peuplement, on observe une mortalité accrue et une baisse de la fertilité, avec moins de jeunes arbres et de semis. Cette situation est suivie de près sur le long terme pour mieux comprendre l’évolution des populations forestières.”

Biodiversité et architecture forestière

La forêt de la Sainte-Baume est caractérisée par une biodiversité exceptionnelle. Les gros arbres et le bois mort au sol créent des micro-habitats riches en espèces, notamment en arthropodes et en insectes. Guy Farnarier, nous révèle également la présence de pic noir, une espèce d’oiseau indicatrice de la richesse de l’écosystème. La structure complexe de cette forêt, avec ses gros chablis et troncs au sol, rappelle celle des rares forêts primaires encore existantes en Europe.

Résilience et adaptation des forêts mixtes

Les recherches montrent que les forêts mixtes, composées de plusieurs essences, ont une meilleure résistance face au changement climatique par rapport aux forêts monospécifiques. Ces forêts mixtes présentent une résistance accrue aux herbivores et une structure de bois mort plus complexe, ce qui renforce leur résilience globale. La diversité des essences semble jouer un rôle crucial dans la capacité des forêts à s’adapter aux conditions climatiques changeantes.

Complexité de l’adaptation et gestion forestière

Le débat sur la gestion forestière dans le contexte du changement climatique est vif. D’une part, certains spécialistes de la rencontre comme Christian Vacquié de Découvertes Sainte-Baume plaident pour une intervention massive pour maintenir les fonctions forestières telles que la production de bois d’œuvre. D’autre part, il est crucial de ne pas sous-estimer la résilience naturelle des forêts. Une approche douce, comme l’enrichissement des peuplements existants avec des essences plus adaptées, peut être une solution plus durable comme le souligne Michel Vennetier.

Planter de nouvelles essences adaptées aux conditions de sécheresse peut sembler une solution, mais cette stratégie comporte des risques. trouver les essences parfaitement adaptées aux nouvelles conditions de leur nouvelle région d’implantation peut être complexe. Certaines essences, peuvent par exemple encore subir les conséquences de gels auxquels elles ne sont pas habituée.  De plus, quand on plante une nouvelle essence, on importe pas toute la biodiversité censée l’accompagner, diminuant sa capacité à résister aux stress. 

Impact du changement climatique sur la végétation et la faune

Spécialiste en géologie, Richard D’angio de Découvertes Sainte-Baume précise “Entre 2003 et 2007, la région de la Sainte-Baume a connu des années successives de déficit de pluviométrie, allant de 30 à 50 % en dessous de la moyenne. Cette tendance se poursuit avec cinq années très sèches au cours des huit dernières années. Cette récurrence des sécheresses affecte non seulement les arbres et l’ensemble de la végétation”. En effet, on observe une mortalité accrue des espèces exigeantes en humidité et en fraîcheur, remplacées par des espèces plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse. En deux décennies, entre 10 et 15 % des espèces sensibles ont disparu.

La perturbation de l’écosystème s’étend également aux pollinisateurs et au sol, où se concentre la majorité de la biodiversité. La sécheresse affecte l’activité des vers de terre et de la microfaune, essentielles au recyclage des nutriments et à la fertilité du sol. La diminution de l’activité biologique rend le sol moins poreux et moins capable de retenir l’eau, exacerbant l’effet de la sécheresse.

Mesures d’atténuation proposées

Pour atténuer les effets du changement climatique, une piste serait en plus de la diversification afin de réduire la densité forestière. Une forêt plus clairsemée transpire et évapore moins d’eau, permettant une meilleure recharge des nappes phréatiques et la résilience des arbres restants. Une forêt diversifiée, avec une variété d’espèces, est également recommandée pour mieux résister aux parasites et aux maladies.

La forêt de la Sainte-Baume illustre parfaitement les défis que le changement climatique pose aux écosystèmes forestiers, en particulier dans les régions méditerranéennes. Cependant, la capacité d’adaptation de ces forêts dépendra en grande partie de la trajectoire climatique à venir. Si les températures continuent de monter et que les régimes de précipitation deviennent de plus en plus irréguliers, la résilience naturelle des forêts pourrait être mise à rude épreuve. Dans ce contexte incertain, la gestion future des forêts doit non seulement équilibrer intervention humaine et processus naturels, mais aussi s’adapter à ces changements climatiques en cours. En diversifiant les essences et en favorisant les processus naturels, tout en investissant massivement dans une gestion durable, nous pourrions améliorer la capacité des forêts méditerranéennes à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Ainsi, avant de penser à reboiser, il est essentiel de mieux gérer les forêts existantes pour garantir leur survie et leur capacité à absorber le carbone.