Submersion marine et érosion côtière : pression immobilière sur des côtes exposées au risque littoral en 2050
Le littoral évoque pour certains les vacances, les baignades et les châteaux de sable. Pour d’autres le littoral est synonyme de montée des eaux, de submersions marines et d’érosion côtière qui, accentués par le réchauffement climatique, menacent nos côtes françaises.
Chiffres et faits marquants :
- 1 million de parcelles cadastrales (construites ou non) sont exposées d’ici 2050 aux risques côtiers (érosion ou submersion) en l’absence de protections suffisantes.
- 33 360 logements vendus entre 2020 et 2024 seront exposés à ces risques en 2050 pour une valeur de 8,3 milliards d’euros (derrière des protections ou non)
- Ces logements représentent notamment 60% des biens vendus dans les communes littorales du Département du Nord et 40% dans celles de la Somme ;
- 3 300 locaux commerciaux vendus sur la même période sont potentiellement menacées d’ici 2050 ;
- Sur cette même période, 3 140 permis de construire ont été délivrés dans des zones potentiellement à risque en 2050 ;
- En 2024, le prix médian du mètre carré était en moyenne 26% plus élevé pour des biens potentiellement à risque en 2050 que sur l’ensemble de la commune. Pour 78 communes, le prix est plus de 50% plus cher.
“Ce rapport s’appuie sur la première étude prospective complète des risques côtiers pour la France : les risques d’érosion, de submersion permanente et d’inondation lors d’événement climatique extrêmes ont été évalués à l’horizon 2050 et 2100 sur près de 30 millions de parcelles, y compris dans les départements d’outre-mer, explique Thibault Laconde, directeur de Callendar. Ce travail montre que l’aggravation prévisible des risques côtiers sous l’effet du réchauffement climatique et de l’élévation du niveau de la mer reste largement ignorée.”
Le rapport développe les interactions entre ces deux risques qui doivent être appréhendés ensemble pour adapter les territoires exposés à une montée des eaux qui ne va pas s’arrêter.
Le rapport soulève également la question de l’information face aux risques, qui semble n’avoir pour l’instant aucun impact substantiel sur le prix de l’immobilier dans des communes qui restent attractives.
“Malgré une prise de conscience progressive et la mention obligatoire du risque de submersion et d’érosion lors d’une vente, nos données montrent que l’attraction pour le rivage est toujours très forte, explique Sylvain Trottier, directeur de l’association Conséquences. Les biens potentiellement à risque semblent encore s’arracher, alors que l’exposition aux submersions ou à l’érosion va augmenter dans les décennies à venir. Cela ne peut que renforcer la demande de protections, de digues… dont la prise en charge et l’entretien par la collectivité vont poser de plus en plus question.”
Une application gratuite pour connaître son exposition future aux risques littoraux
En parallèle de ce rapport, Conséquences et Callendar mettent en ligne une application à destination des habitants du littoral (https://littoral.callendar.tech). Cette application, exploitant des données publiques et les prévisions du Giec, informent les particuliers sur :
- L’exposition de leur terrain à l’érosion côtière à horizon 2050 et 2100
- Le niveau de la mer à marée haute en 2050 et 2100
- L’exposition de leur terrain aux submersions marines d’ici 2050 et 2100
Faute de données publiques exploitables, cette application ne prend pas en compte les protections (digues, enrochement, réensablement…) actuelles ou futures. Elle a simplement pour objectif d’alerter les propriétaires sur l’exposition potentielle de leur bien et sur la perte de valeur qui pourrait en résulter.
Les habitants et les entreprises du littoral, premières victimes des risques côtiers
La Ferme du Marais : partir pour mieux préserver
Pendant plus de 30 ans, David Lecordier a élevé des moutons de prés-salés sur la ferme familiale de Montmartin-sur-Mer. Il y faisait aussi de l’accueil à la ferme, dans un lieu chargé d’histoire transmis depuis plusieurs générations. Mais la mer a grignoté ses terres : quatre hectares engloutis, une digue rongée par les tempêtes… jusqu’au burn-out. Avec sa femme Claudine, ils ont fait le choix de quitter ce littoral devenu trop incertain et de relocaliser leur activité touristique à Sainte-Mère-Église. Leur ancienne ferme, rachetée par le Conservatoire du littoral, sera rendue à la nature. Un symbole fort de ce que signifie aujourd’hui l’adaptation : parfois, pour rester, il faut partir.
La Belle Étoile s’éteint : partir pour ne pas couler
À Gouville-sur-Mer, la mer grignote lentement mais sûrement le littoral. En première ligne, le camping La Belle Étoile, un établissement familial ancré sur la côte depuis plus de 40 ans. En 15 ans, la dune qui faisait rempart a reculé de 10 mètres. Et malgré une digue construite en urgence, Luc Catherine, le gérant, sait que le compte à rebours est lancé. Face à cette érosion qui ne s’arrêtera pas, Luc a pris une décision lourde mais lucide : ne pas transmettre le camping à son fils dans ces conditions, et envisager sa relocalisation à deux kilomètres de la mer. Ce serait une première en France pour un camping de bord de mer. Mais comment continuer à faire rêver sans la mer à quelques pas ? Ce choix soulève toutes les tensions de l’adaptation : se préparer à l’inévitable, se projeter sur du long terme, faire des choix difficiles. Avec cette relocalisation, c’est tout un pan de l’imaginaire du littoral qui vacille. Car pour préserver l’activité, il faut parfois repenser les territoires, leur habitabilié et leurs paysages.
https://youtu.be/cO3vMpzt5Mk?si=2qUGNWIgxWsxP4RW
Face à la mer qui monte, le double combat d’un maire ostréiculteur
À Gouville-sur-Mer, dans la Manche, Louis Teyssier cumule deux casquettes : ostréiculteur depuis quatre décennies, et maire de la commune. Il voit aujourd’hui les digues qu’il connaissait enfant s’effriter, et la dune se replier sous les assauts répétés des tempêtes.
« Le cordon dunaire a reculé de huit à dix mètres, on le constate tous les jours », dit-il. Pour les ostréiculteurs, cela signifie plus de vent, plus de sel, plus d’incertitudes.
Entre attachement au territoire et conscience des limites physiques, Louis Teyssier incarne cette génération d’acteurs locaux en première ligne du changement climatique.
Il alerte sur la nécessité de mieux anticiper, et de choisir dès maintenant : protéger, s’adapter… ou déplacer.
https://youtu.be/cO3vMpzt5Mk?si=UZI_Xbu2DZfjtnmw
Crédit photo : plage du Havre de Geffosses / Julien Helaine / Conséquences